Le médecin Georges Morand est officiellement proclamé maire à l'issue du conseil municipal du 21 septembre 1944. Il restera maire jusqu’au 30 octobre 1947, date des élections municipales.
Suite à la prise de ses fonctions, il fait la déclaration suivante que le “Le Lannionnais” publie le 26 août 1944:
C'est un texte agressif qui montre bien les préoccupations et l’état d’esprit des personnes qui pensaient être restées dans le droit chemin.
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“Lannion est délivrée de l'occupation allemande, délivrée de la tyrannie de Vichy.
Sur quel régime allons-nous vivre désormais?
Nous sommes pour le moment en pleine insurrection en pleine insurrection nationale, insurrection préparée, annoncée depuis longtemps et acceptée aujourd'hui par l'unanimité de la population.
Les pétainistes
Il n'y a plus en effet de pétainiste à Lannion: nous avons interrogé ou enquêté chez les plus ardents fascistes de notre ville: tous renient leur passé, ont arraché la photographie du Maréchal de leur magasin ou de leur bureau et se déclarent prêts à servir la République (sans doute avec la même ardeur et la même bonne foi que par le passé).
Je n'ai pas besoin de dire que nous ne sommes pas dupes de ces conversations de la dernière heure.
Un épouvantable régime d'oppression et de terreur s’est établi en France à la faveur de l'occupation étrangère. Des hommes ont prêté leur concours aux persécutions, aux vexations, au crime perpétré par ce régime; d'autres l'ont soutenu de leur propagande ou de leur approbation. Ils se sont démasqués: Nous ne voulons plus de ces hommes au levier de commande, nous n’en voulons plus à la tête des administrations publiques, dans les tribunaux, dans l'armée ou dans la police, dans la presse ou la radio.
Nous exigeons une épuration complète et totale et lorsque la parole sera donnée au peuple pour choisir ses représentants, nous stigmatiserons tous ceux qui essaieraient de capter ces suffrages après avoir trahi la France et la République.
Nous demanderons même, pour assurer la sécurité de ce peuple si souvent trompé, qu'une sanction spéciale, dont a déjà parlé le général de Gaulle, la sanction d'indignité nationale, frappe tous ceux qui se sont déshonorés par leur collaboration avec l'ennemi ou avec les serviteurs de l'ennemi.
Nous demandons la justice
mais nous ne sommes pas des bourreaux, nous ne sommes même pas des juges. Notre rôle est d'enquêter afin de signaler aux tribunaux l'activité des hommes et des femmes présumés coupables. Seuls ces tribunaux ont le droit de juger.
Nous n'avons approuvé et encore moins conseillé aucune des mesures vexatoires exercées contre des individus peut-être coupables, mais pour lesquels l'appréciation de leur culpabilité ne nous appartenait pas.
Démocrates et républicains, nous voulons que les accusés puissent se défendre. Notre mot d'ordre c'est la justice, la probité intellectuelle, la propreté morale.
Les pillages et les vols
C'est au nom de ces principes que nous avons fait immédiatement une enquête sur les pillages exercés par des habitants de Lannion dans les camps ou entrepôts abandonnés par l'armée allemande.
C'est avec beaucoup de peine que nous avons constaté combien manque a beaucoup de nos concitoyens le sens de l'honneur et de la probité.
Certains ont voulu s'excuser d'avoir volé ( car on vole quand on s'approprie un objet qui ne vous appartient pas, même si on l'a trouvé) en minimisant l'importance du vol ou en disant que le voisin en avait fait autant ou, ce qui est plus grave, en prétextant que les Boches les y avait autorisés.
Misérables excuses qui ne traduisent que l'indigence intellectuelle et morale de ceux qui les exposent. Il faudra aux familles et surtout au maître d'école beaucoup de temps et beaucoup d'efforts pour entreprendre l'éducation civique et morale des enfants sous les yeux desquels passent de pareils exemples.
Nous n'avons pu que frapper d'une amende les coupables que nous avons pu atteindre et qui n'avait pas fait les déclarations d'appropriation exigées. l
L'autorité militaire a pris l'affaire en main et se chargera des récupérations du matériel volé. Il est à présumer que ses mains seront plus rudes que les nôtres.
Les femmes compromises avec les Allemands
Quel châtiment infligé aux femmes qui se sont compromises avec les Boches?
Voilà encore un pénible sujet à traiter. Il y a toujours et il y aura toujours des prostituées. Il y a une réglementation de la prostitution et il est regrettable que jusqu'à ce jour, malgré les avertissements qui leur étaient donnés par la police ou les médecins, les autorités locales n’en aient tenu aucun compte.
Mais que penser de ces femmes mariées, de ces jeunes filles appartenant parfois à des familles aisées, instruites et cultivées, qui ont consenti à se donner en spectacle à une population indignée à côté de soldats ou d'officiers Allemands, qui ont accepté les invitations de ces derniers, qui ont parfois même sacrifié pour eux leur pudeur et leur honneur?
Que penser des mères de famille qui ont toléré de pareils agissements.
Des châtiments sont nécessaires
Il ne serait pas admissible qu'un châtiment sévère ne frappât pas les coupables. Pour elles, nous demanderons la publication des noms, la publication des photographies où l'on voit de jeunes lannionnaises entremêlées aux uniformes feldgraüs et enfin, pour les plus coupables, la sanction d'indignité nationale dont nous avons déjà parlé.
Il ne nous appartient pas de frapper les commerçants et intermédiaires scandaleusement enrichis dans leurs transactions, passées souvent d'ailleurs avec les Boches eux-mêmes. C'est une affaire de gouvernement.
Peut-être obtiendront nous que des commissions locales puissent contrôler les fortunes édifiées pendant la guerre et vérifier les déclarations fiscales que l'on exigera sans doute des patentés.
Par contre, dès que nous connaîtrons les nouvelles taxations des denrées et produits, nous sévirons avec rigueur contre ceux qui tenteraient de vendre au-dessus de la taxe.
Notre intention est d'être impitoyable: Emprisonnement, envoi dans des camps de concentration, confiscation des fortunes, rien ne nous arrêtera contre les affameurs et les accapareurs. De tels gens sont une plaie pour la société, une cause de trouble permanent pour l'ordre social.
Les autonomistes Bretons
Le procès des autonomistes bretons doit être ouvert devant une cour régionale, il est étonnant que tous les hommes qui ont participé à ce crime de haute trahison ne soient pas déjà incarcérés.
Déjà, il semble que l'on veuille faire une différence entre les chefs du mouvement et les propagandistes qui n'auraient pas mis beaucoup de conviction dans leur propagande.
Il a fallu dans l’infâme journal appelé L’Heure Bretonne une manchette ainsi rédigée: “Jamais plus, quoi qu'il arrive, la Bretagne ne sera une province française”. Ce numéro est antérieur à la constitution des comités locaux du Parti National Breton. Donc, ceux qui ont accepté de fonder ses sections ou de les diriger savaient quel but on leur proposait d'atteindre.
Leur culpabilité est certaine. Il appartiendra à la cour régionale de les condamner, mais nous réclamons pour eux la déchéance de la nationalité française.
Les bons français, seuls, doivent participer à la reconstruction de la France. “
copie intégrale de la déclaration publique de Mr George Morand
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En publiant ce texte, nous voulons simplement montrer qu’à la libération il y a eu beaucoup de tensions. Nous n'avons aucun but politique, mais nous recherchons la vérité historique sans tabou. PS: Les titres sont rajoutés par JP Daniel