Le 6 août1944, un bombardement américain du camp Allemand au Gollot fait cinq victimes civiles.
Le 11 août 1944, l’ordre nous est donné de libérer Tréguier. Armés jusqu’aux dents depuis le parachutage de Prat, les unités de Tréguier, de Bégard et de Lannion sont en place, prêtes à libérer la ville.
Par Marie Perrot, Charles Moreau et René Le Dissez, Résistants de Tréguier, je suis informé en continu de la situation dans tous les environs et de son évolution. Des troupes allemandes attendent de se rendre dans les meilleures conditions possibles. Depuis le débarquement en Normandie, elles se savent prises en tenaille entre les Résistants organisés, équipés et bien décidés à en découdre et la puissante armée de libération qui progresse à grand pas venant de l’Est et dont quelques troupes évoluent déjà dans le Trégor.
Deux navires américains du type LST (Landing Shipping Tank) se sont échoués sur la lieue de grève à Saint Michel en grève pour débarquer des hommes, du matériels, des armes, des munitions et du carburant destiné aux opérations de libération de la partie Ouest de la Bretagne. Les capitaines Canada (Canadien) et Claff (Américain) ont pour mission d’entrer en contact avec la Résistance locale.
Après concertation avec Marie Perrot et sur ordre du Colonel Marceau (Yves Le Hégarat), Commandant les FFI du département des côtes du Nord, je me rends à Saint Michel en Grève pour prendre contact avec les deux officiers.
Le 12 août, accompagné des capitaines Claff et Canada, je reviens à Tréguier pour assurer la reddition des troupes de la GAST (douane côtière allemande) groupées à la kommandantur située au-dessus du Guindy, au Gollot précisément.
Je donne l’ordre de détruire à l’explosif la passerelle située en amont du pont Canada. Cette opération est parfaitement exécutée par Marcel Lorgeré, Emile Loarer et Yves Moreau.
Déjà en discussion avec deux Résistants, Yves Moreau et le Capitaine Maurice (Corentin André), la GAST n’accepte de se rendre qu’aux Américains.
Notre jeep s’immobilise devant l’entrée du Gollot. Je suis vêtu d’un uniforme anglais provenant du parachutage de Prat, une tenue bien utile dans ces circonstances. Une seconde jeep équipée d’une mitrailleuse s’avance dans le camp. Les Allemands lèvent les bras. La reddition de la GAST se réalise sans difficulté. Cette équipe et la jeep appartiennent au régiment du colonel Passy constitué et entraîné en Angleterre.
Les prisonniers seront acheminés vers Saint Michel en grève, où ils seront mis à la disposition des troupes américaines, avant d'être conduits dans le grand camp de prisonniers de guerre de Saint Thégonnec.
Un grand pas vient d’être accompli vers la libération de Tréguier, mais il reste encore dans la périphérie de la ville des unités en survie capables de riposter.
Le bonheur de toute la population et les premiers moments de liesse sont de courte durée:
Le 14 août au soir, des troupes allemandes venant de Penvénan se dirigent vers Tréguier.
Elles veulent probablement en finir avec une guerre qu’ils ont perdu et se rendre, elles aussi, aux forces américaines. Il faut rester prudent et éviter tout dérapage. Le capitaine Claff, moi, le capitaine Maurice (Corentin André), L’autrichien déserteur de la Wermarch Franz Petrei et Marcel Diguerher, nous roulons en jeep à leur rencontre, Marcel porte le drapeau blanc. Les Allemands sont en position dans la ferme Le Brun, située à dix kilomètres environ de Tréguier et se déploient le long de la voie ferrée. L’officier SS vient à notre rencontre pour nous signifier que ni lui, ni son unité n’ont l’intention de se rendre. Il est protégé par un jeune soldat debout sur le talus qui nous braque avec sa mitraillette. L’officier est clair: ”je vous donne 15 minutes pour disparaître, sinon…” Visiblement ces SS sont prêts à mourir en héros.
Le temps joue en notre faveur, aux abois, cette unité allemande se rendra bientôt. Inutile donc d’insister dans l’immédiat, la victoire est proche, il est important d’éviter, si possible, les pertes humaines. Je prends la décision de rejoindre mon PC à Lannion où le capitaine Claff et moi étudions la situation à tête reposée. Pendant ce temps la troupe allemande quitte la ferme Le Brun et descend vers Tréguier.
Le 15 août, revenu à Tréguier, je demande au capitaine Claff d’envoyer sur place des Américains avec leurs véhicules de combat.
Les automitrailleuses américaines suivies par les unités du secteur Nord 1, dont la Compagnie Porchou de Bégard, font leur entrée dans Tréguier qui est une nouvelle fois libérée. Les derniers Allemands, des SS, se rendront aux Américains sans condition. Malheureusement au cours de la progression le sergent américain Wibben est abattu près du collège Saint Yves.
La Roche Derrien est aussi à libérer. Nous, les FFI, recevons l’ordre de foncer avec les Américains sur le chef-lieu Rochois alors que la population trécorroise savoure la victoire et la liberté.
La reddition de La Roche Derrien se fait sans difficulté.
Ce 15 août, après un intense combat d’artillerie, 300 soldats allemands fixés sur la rive Est du Jaudy, côté Trédarzec, se replient sur la presqu’île de Pleubian.
Le 16 août, les Allemands repliés autour du sémaphore de Creac’h-Maout se rendent aux Américains. Ils y découvrent deux fosses contenant 21 victimes.
Le Trégor et le Goëlo sont totalement libérés de l’occupation allemande le 17 août 1944
Référence:: “ pour la France” “ Mémoires de François Tassel” écrit avec Jean Claude Le Guéziec
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Les formations qui ont participées à la libération de Tréguier: les compagnies FTP de Tréguier, Porchou de Bégard, Roger Barbé de lannion, Hascouët de Lannion, Jef de Pontrieux, Gallou de Plouisy, La Marseillaise de Plouaret, le groupe FN de Tréguier, la section Kommando du 2ème RCP et l'escadron blindé US du détachement Earnest de l'armée Patton.
Source: témoignage de François Tassel et d'Armand Tilly paru dans le Trégor le 11 août 1984
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Réf: supplément du Ouest France du 22 juin 1994
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Photo JP Daniel d'un panneau au musée de la Résistance
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Yann Toularastel, l’ancien menuisier ébéniste trécorrois, a conservé précieusement un document sur la libération de Tréguier, rédigé, par l’abbé Louis Lainé (1880-1952), curé archiprêtre de la cathédrale. Le curé de Tréguier a noté les événements marquants de ce mois d’août 1944.
4 août. Le Dr Cousin tente de désarmer deux Allemands qui entrent dans la mairie. L’un d’eux lui tire dessus. Il est transporté à l’hôpital. Il l’a échappé belle !
5 août. Retour des Allemands que l’on croyait partis.
Dimanche 6 août. Bombardement par des avions américians de la maison de Louise de Villeneuve, au Gollot, occupée par les Allemands. Coup manqué ! Les maisons de M. Bézard et celle de Mme Perrot sont détruites. Cinq victimes : M. et Mme Bézard, Mme Le Flem née Le Huérou, François Bourgès et Paul Kérichard.
9 août. Enterrement des victimes. Le corps de Mme Le Flem est transporté à Langoat.
12 août. Les Allemands du Gollot sont faits prisonniers. On sonne les cloches de 18 h à 19 h. À 20 h, ordre d’enlever les drapeaux. Retour des Allemands !
Dimanche 13 août. Pas de grand-messe. Pas de vêpres. Fusillades.
14 août. Les Allemands menacent d’incendier la ville. Bataille dans le quartier de Saint-Michel. (N.D.L.R. arrivée des Américains). Fusillades. Albert Amicel, commis à l’inscription maritime, est tué dans sa maison, quartier des Ursulines. Arrivée des tanks Américains. Le sergent Wibbens est tué (N.D.L.R. avenue des États-de-Bretagne). Les toitures de l’école Saint-Yves sont trouées. Les ponts sont détruits. (N.D.L.R. à 18 h Tréguier est libérée).
15 août. Les Allemands canonnent la ville des hauteurs de Trédarzec. Yves Allanet se rend sur les quais voir les ponts détruits. Il est tué ! Pas de grand-messe. Les Allemands craignent d’être cernés et s’en vont définitivement. Vêpres à 15 h.
16 août. Grand défilé en ville et sonnerie des cloches.
17 août. Grand service pour les victimes, à 10 h et à 11 h. Enterrement de M. Amicel et d’Yves Allanet.
19 août. Occupation de l’école Saint-Yves par les FFI (Forces françaises de l’intérieur) qui brisent tout.
21 août. Enterrement de M. Geffroy, marin en congé, tué par les Allemands près de Saint-Efflam.
22 août. Les ponts détruits, on passe en bateau à Trédarzec.
23 août. Enterrement du jeune Joseph Le Bihan, de Minihy, tué à Servel par les Allemands sur la place, après la grand-messe.
25 août. Paris libéré. Entrée du général de Gaulle. Chant du Magnificat à Notre-Dame.
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Réf: supplément N°15087 du 22 juin 1994 du journal Ouest France
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